
“Les Silences de Claire” une claque émotionnelle au théâtre
Hier soir, la salle s’est tue. Pas un souffle, pas un raclement de gorge. Juste ce silence dense, presque inconfortable, qui précède une émotion brute. “Les Silences de Claire”, pièce présentée en avant-première, a suspendu le temps. Littéralement.
Sur scène, quatre comédiens. Pas de décor flamboyant. Une lumière tamisée, quelques chaises, une porte invisible. Et pourtant, on y est : dans cette cuisine, dans cette maison où l’on ne se parle plus, où les souvenirs s’entrechoquent à défaut de s’exprimer.
Une mise en scène d’une sobriété bouleversante
Le metteur en scène, Jean-Baptiste Lemaître, a fait le pari de la retenue. Pas d’artifice. Tout repose sur les silences, les regards, les soupirs retenus. Une respiration trop courte devient un cri. Une main qui tremble dit plus que mille mots. La scénographie épouse l’intime : chaque déplacement, chaque lumière semble nous dire “regarde mieux, écoute ce qui ne se dit pas”.
Claire, interprétée magistralement par Amandine Roche, est une femme figée dans son passé. Depuis le départ brutal de sa sœur, un non-dit s’est installé. Le retour du frère, incarné par Thomas Carrel, ravive les blessures. Entre eux, la mère (Marie-Pierre Desrousseaux) tente de colmater les brèches. Et au milieu de ce champ de ruines familiales, un nouvel amour naissant (Vincent Lamblin) tente de faire entendre un futur possible.
Un texte ciselé, une écriture organique
La pièce, écrite par Isabelle Druon, ne cherche pas à briller. Elle vise juste. Les dialogues sont tendus, parfois cruels, souvent suspendus. Mais jamais gratuits. On sent une autrice qui connaît l’humain, ses contradictions, ses silences assassins. Tout sonne vrai. Chaque réplique a le poids d’une décision, d’un renoncement ou d’un espoir.
Un spectateur derrière moi murmurait : “on dirait ma famille”. Et c’est là que la pièce touche juste : elle parle à chacun. Pas de drame spectaculaire. Juste la complexité d’aimer, de pardonner, ou pas.
Une performance d’acteurs à couper le souffle
Difficile de détacher son regard de Claire. Amandine Roche incarne à la perfection cette femme au bord du basculement, cette tension constante entre force et effondrement. Son jeu, tout en finesse, ne laisse aucun moment de relâche. Autour d’elle, les autres comédiens sont d’une justesse rare. Mention spéciale à la mère, bouleversante de dignité et de maladresse mêlées.
La salle a retenu son souffle jusqu’au dernier mot. Puis, un silence. Et enfin, une salve d’applaudissements qui a duré plus de trois minutes. Certains étaient debout. Beaucoup avaient les yeux rouges.
Une pièce nécessaire, qui réconcilie avec le théâtre vivant
“Les Silences de Claire” n’est pas une pièce facile. Elle remue. Elle oblige à regarder ce qu’on préfère souvent éviter. Mais elle le fait avec une infinie délicatesse. C’est du théâtre qui fait du bien, justement parce qu’il fait mal.
On ressort un peu différent, un peu plus vivant, un peu plus attentif aux silences qui nous entourent.
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