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Critique théâtre : « Faustus in Africa! » de William Kentridge, la magie opère-t-elle encore ?

Contexte et création de « Faustus in Africa! »

Trente ans après sa création initiale, le plasticien sud-africain William Kentridge et la Handspring Puppet Company reviennent sur scène avec une réadaptation de leur célèbre spectacle « Faustus in Africa! ». Présentée pour la première fois en 1995, cette œuvre a marqué un tournant dans l’univers du théâtre avec son approche innovante mêlant théâtre, marionnettes, dessin, musique et vidéo. L’histoire suit Faustus, personnage archétypal, qui, entraîné par un pacte avec Méphisto, se lance dans une odyssée à la recherche des richesses de l’Afrique. Ce périple offre à la fois une exploration de la colonisation et une critique acerbe de la rapacité humaine.

La richesse de cette œuvre réside dans sa capacité à évoquer des thèmes universels tout en se fondant dans un contexte local. La fable de Faust, ici revisitée, dévoile une critique sociale aiguë et résonne avec les préoccupations contemporaines relatives à l’exploitation des ressources naturelles et à l’impact du colonialisme.

Les thèmes centraux de la pièce

La réélaboration de « Faustus in Africa! » soulève plusieurs thèmes qui résonnent profondément avec notre époque. Parmi eux, on retrouve :

  • L’exploitation coloniale : critique des mécanismes de domination des puissances occidentales.
  • La quête de pouvoir : la recherche insatiable de Faustus symbolise l’avidité humaine.
  • L’identité culturelle : l’œuvre interroge ce que signifie être un explorateur dans un contexte africain.
  • L’échec du progrès : une réflexion sur les conséquences de la colonisation quipersistent encore aujourd’hui.
  • Ces thèmes sont mis en lumière par la maîtrise des marionnettes, qui, tout en étant artistiques, illustrent également la condition humaine en tant qu’objets de manipulation, tant sur scène que dans le monde.

    Les critiques partagées

    Les réactions à cette réadaptation sont variées, illustrant bien la manière dont le spectacle est perçu par le public et les critiques. Deux critiques notables, Victor Inisan et Philippe Chevilley, offrent des perspectives divergentes sur la pertinence actuelle de la pièce.

    Point de vue critique : Victor Inisan

    Victor Inisan exprime des réserves quant à la résonance de la pièce, affirmant que :

  • La magie n’opère plus : il considère que le spectacle a vieilli et que les codes de jeu ne sont plus aussi percutants.

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  • Monotonie de l’histoire : la réadaptation de l’histoire de Faust semble manquée, rendant certains passages moins engageants.
  • Visibilité des marionnettes : les belles marionnettes restent limitées visuellement, surtout pour les spectateurs éloignés de la scène.
  • Désincarnation du spectacle : l’absence d’interaction avec un autre artiste sur scène nuit à la profondeur dramatique.
  • Inisan souligne toutefois la beauté des animations au fusain de Kentridge qui, malgré tout, apportent une dimension visuelle captivante.

    Réponse critique : Philippe Chevilley

    À l’opposé, Philippe Chevilley défend la pièce en affirmant qu’elle a su traverser le temps. Voici ses principaux arguments :

  • Message contemporain : le propos du spectacle demeure pertinent face aux enjeux actuels liés à la colonisation et à la préservation de l’identité culturelle.
  • Qualité et mobilité des marionnettes : la dextérité et l’intégration des marionnettes au sein du jeu d’acteur contribuent à une expérience visuelle riche.
  • Interaction des arts : le mélange des formes artistiques crée une expérience immersive pour le public.
  • Cette différence d’opinions témoigne de la complexité de l’œuvre et de son impact sur les spectateurs, tant sur le plan visuel que thématique.

    Le spectacle dans le contexte actuel

    Il est intéressant de se demander comment « Faustus in Africa! » s’inscrit dans le paysage théâtral contemporain. Au-delà des critiques, cette réadaptation soulève des questions cruciales sur la représentation et la responsabilité des artistes dans le traitement des histoires coloniales.

    En effet, alors que l’œuvre fait écho à des débats sur les revendications postcoloniales et les inégalités persistantes, elle invite les spectateurs à un examen critique de leur propre position et de l’héritage colonial. Les choix artistiques de Kentridge et de la Handspring Puppet Company visent à engager le public dans une réflexion profonde sur l’impact de la colonisation.

    Conclusion : Une œuvre à redécouvrir ?

    La question demeure : « La magie opère-t-elle encore ? » Il semble que « Faustus in Africa! » continue d’intriguer, mais les deux critiques soulignent que l’expérience peut varier en fonction des attentes et des perceptions personnelles.

    Que l’on soit en accord ou en désaccord avec les critiques, il est indéniable que l’œuvre de Kentridge provoque des réflexions sur des sujets toujours d’actualité, rendant ce spectacle digne d’être redécouvert et réévalué. Le dialogue qu’il engage, qu’il soit critique ou enthousiasmant, témoigne de sa véritable force en tant qu’œuvre d’art et de son importance dans le panorama théâtral actuel.

    Ainsi, « Faustus in Africa! » reste un point de départ pour de nombreuses discussions, tant sur le plan artistique que social, et rappelle l’importance du théâtre en tant que miroir de notre société.